La question paraît simple et pourtant elle est décisive : d'où viennent les idées qui gouvernent notre regard sur le monde ? La réponse n'est pas unique. En français, le mot apprentissage renvoie classiquement à une transmission : un maître donne, l'élève reçoit. Pour la réception sans maître — l'auto-apprentissage — nous parlerons ici de découverte.
Une carte pour s'orienter
Il est utile de penser la cognition comme une chaîne où se succèdent des niveaux :
Idées : unités élémentaires de la pensée (images, jugements, représentations).
Schémas cognitifs : expression verbale ou visuelle d'idées.
Paradigmes : schémas partagés au sein d'un groupe professionnel ou scientifique.
Culture : l'ensemble des paradigmes et pratiques intériorisés par une société.
Instruction → produit : structure cognitive (ordre, méthode, architecture des savoirs).
Entraînement → produit : habitude, automatisme (robustesse pratique).
Et pour l'auto-apprentissage, que nous nommons découverte : il naît quand la curiosité ou une impasse pratique pousse une personne à explorer par elle-même — c'est une rencontre entre une motivation intérieure et une situation problématique. L'apprentissage et la découverte forgent un regard : ils transforment la manière dont on interprète le monde.
Comment l'esprit critique intervient-il ?
L'esprit critique n'est pas un luxe : c'est la fonction qui met à l'épreuve les idées reçues. Il s'exerce selon quatre opérations principales : examiner les sources, évaluer la cohérence, confronter à l'expérience, questionner les présupposés. Sur le schéma, il est précisément l'opérateur qui convertit une idée en schéma cognitif valable — ou la rejette.
Autrement dit : obéir au maître (apprendre) reste souvent nécessaire ; penser par soi-même exige, en parallèle, un arbitrage critique fondé sur des preuves, une méthode et l'expérimentation.
Figures d'autorité et motifs d'exploration
Vous trouverez parfois sur votre chemin trois figures distinctes : le dṛṣṭā (celui qui voit), le paṇḍit (l'érudit qui formalise), et le guru (le maître reconnu, guide de vie). La tension productive naît quand la rébellion ou le désaccord face à une autorité devient le moteur d'une exploration sérieuse : la contestation peut être un motif légitime d'investigation — pourvu qu'elle se mue en méthode et non en simple posture négative.
Risques et garde-fous
Biais de transmission : enseignements obsolètes, formations inefficaces, éducation aliénante.
Rigidité de l'entraînement : automatisme utile mais aveuglant.
Biais d'expertise : confiance excessive, catégorisation réductrice.
Dissonance : si les idées apprises sont en rupture avec l'expérience réelle, l'individu peut souffrir (du malaise au trouble).
Ces risques rendent nécessaire une double attitude : accueillir les enseignements utiles et, en même temps, exercer l'esprit critique et la mise à l'épreuve.
